Bible de la Compagnie

L'histoire

La Compagnie noire ne sait faire qu'une chose, mais elle le fait bien : la guerre. Ni soudards, ni chevaliers, les hommes de la Compagnie sont des soldats mercenaires entraînés, équipés, professionnels. Peu leur importe qui les emploie et pour quoi. Ils ont choisi de suivre la bannière de la compagnie et de lui rester fidèle. Ce qu'ils font, en toutes circonstances. En s'enrôlant, ils ont tracé leur destin et choisi leurs frères d'armes. Ils s'appellent Elmo, Gobelin, Silence, Corbeau, Qu'un-Oeil, Otto, Hagop... A peine un nom, parfois un grade. De leur passé, on ne saura rien, hormis quelques bribes.
Toubib, comme son pseudo l'indique, c'est le chirurgien de la compagnie. Il en est aussi le chroniqueur, chargé de préserver ses Annales, dont les pages renferment la mémoire séculaire. Par conséquent, il sera également le narrateur. Car les origines de la Compagnie se perdent dans les limbes du temps, tant et si bien que parfois, sa légende précède son apparition dans une ville, dans une contrée. Comme si, en inventant la guerre, les hommes avaient également créé la compagnie.
Dans les présentes annales que nous découvrons par l'intermédiaire de Toubib, la Compagnie va vivre un tournant de son histoire. Autrefois, un couple de sorcier a tenté de prendre le contrôle du monde. Le Dominateur, sa Dame et leurs Asservis, un groupe de puissants sorciers à leur service, ont finalement été vaincus. Mais pas définitivement. La Dame est revenue et avec elle les Asservis. La rébellion s'organise, tandis que le Dominateur use des pouvoirs qui lui restent pour se libérer à son tour. Pour affronter la résistance et pour empêcher le réveil de son ancien époux, la Dame fait appel aux services de la Compagnie. Qui accepte, conformément à sa tradition. De batailles en missions, de guet-apens en coups fourrés, les mercenaires sont soumis à rude épreuve. Et la Compagnie noire doit puiser dans toute ses ressources pour éviter de ne devenir qu'un pion sur l'échiquier, engagé dans une partie où les multiples joueurs n'hésitent pas à tout sacrifier pour gagner.

La critique

Le noir et le blanc. Entre les deux, une multitude de gris, une palette monochrome qui compose un monde fascinant aux contours floues. Un monde où rien n'est acquis, rien n'est définitif, même pas la mort. Un monde d'où les certitudes sont bannies, où les chausses-trappes succèdent aux fausses pistes, où le doute est permanent... et salvateur. Pas de description minutieuse et pointilleuse, Glen Cook procède par petites touches, ténues, diffuses. L'auteur manie l'ellipse en virtuose, ce qui est caché participant pleinement à instaurer l'ambiance si particulière de cette série. Une ambiance permanente, qui imprègne chaque page de sa force jusqu'à engloutir le lecteur dans ses méandres.
Il en va de même pour les personnages : plutôt que de dresser un portrait, il esquisse une silhouette aux formes fugitives, mais complexes. Impossible de cerner précisément Corbeau, Toubib, la Dame: sont-ils bons ou méchants? Forts ou faibles? Amis ou ennemis? Un peu de tout sans doute, comme tout homme possède ses failles. Ce qui les rend particulièrement présents et attachants.
Dans cette atmosphère résolument sombre, souvent désespérée, toujours poignante, chaque action compte, chaque page de ces Annales est précieuse. Glen Cook réussit en outre à ne jamais trahir le ton unique qu'il a créé, tout en renouvelant en permanence les péripéties. Sans artifice, ni sacrifice, il parvient à préserver toute la force de caractère de sa plume économe mais affûtée.
Une oeuvre sombre, intense, lumineuse finalement.